Pour une éducation à la sexualité positive, inclusive et anti-oppressive

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L’éducation à la sexualité est depuis longtemps l’un des maillons faibles de l’éducation des jeunes Québécois.es. Après la réforme Marois et le succès limité de l’approche de l’éducation à la sexualité par compétences, à la suite de plusieurs années de séances organisées ad hoc par certaines écoles, la rentrée scolaire 2018 a vu l’arrivée de nouveaux contenus obligatoires en éducation à la sexualité. Le gouvernement Legault propose ainsi d’accorder annuellement de 5 à 15 heures à ces apprentissages pour les élèves du primaire et du secondaire. Or, il n’offre pas pour autant les ressources conséquentes : on attribue moins de 5 $ par élève par année à l’éducation à la sexualité. Les formations au personnel à qui incombent ces responsabilités sont limitées. La libération du personnel pour le temps d’appropriation de ces nouvelles connaissances, la planification et la coordination des activités sont insuffisantes.

L’éducation à la sexualité mérite pourtant qu’on y accorde beaucoup plus d’attention et de ressources. Éduquer « à la sexualité », c’est apprendre à nos jeunes qu’elles et ils sont les seul.es maitres de leur corps, peuvent dire non (ou oui !) et choisir les modalités de leurs rapprochements affectifs et physiques. C’est leur apprendre qu’il y a plusieurs types de familles où des enfants peuvent s’épanouir. C’est leur faire comprendre qu’elles et ils n’ont à être hétérosexuel.les et à se conformer aux stéréotypes de genre que si cela convient à ce qu’elles et ils ressentent en leur for intérieur. Enseigner aux jeunes à réfléchir de manière critique et libérée face à l’ensemble des normes qui pèsent sur la construction de leur identité et leur sexualité fait incontestablement partie du rôle que doit jouer l’école.

C’est pourquoi nous demandons au gouvernement d’améliorer les contenus offerts. Sur le plan du contenu, nous demandons une éducation à la sexualité positive, inclusive et anti-oppressive. Positive parce que, même si la sexualité peut comporter des risques (grossesse non désirée, ITSS, violence), elle ne s’y résume pas — alors que c’est ce que laissent encore trop souvent entendre les 15 heures réservées à ces contenus. Inclusive parce qu’elle se déroule encore sans nécessairement tenir compte de la multiplicité des manières dont on peut s’identifier, dont on peut vivre son orientation romantique/sexuelle, dont on peut choisir (ou pas) d’entrer en relation affective et/ou sexuelle avec autrui. Anti-oppressive parce qu’elle devrait être l’occasion d’accompagner les jeunes dans leurs questionnements, même (et surtout) quand ceux-ci les amènent à regarder de façon critique les normes dominantes.

Sur le plan structurel, il est nécessaire de prévoir, au minimum, des mécanismes d’évaluation permettant de s’assurer que des contenus de qualité sont implantés et accessibles dans tous les établissements et que deux élèves, l’un.e assis.e dans une classe de Baie-Comeau et l’autre, de Montréal, puissent se prévaloir des mêmes apprentissages. La formation initiale des enseignant.es doit être repensée. Il n’est pas normal que le genre, la sexualité et les orientations romantiques/sexuelles ne soient pas systématiquement abordés dans le cadre du baccalauréat en éducation. L’éducation à la sexualité fait partie des droits de la personne reconnus internationalement, elle est un droit inhérent à la santé. Elle est trop importante pour ne pas faire l’objet d’un financement adéquat de la part du gouvernement et pour fluctuer au gré des niveaux d’aise des adultes qui en sont responsables.

Le Québec mérite mieux. Nos jeunes méritent mieux.

Cosignataires de ce texte:


– Gabrielle Richard, auteure de Hétéro, l’école? et chercheure associée à l’UQAM et à l’Université de Paris-Est Créteil 
– Julie Robillard, co-coordonnatrice, Fédération du Québec pour le planning des naissances La Coalition pour l’éducation à la sexualité, incluant la Centrale des syndicats du Québec et la Fédération autonome de l’enseignement 
– Alhassane Balde, chargé de cours en éducation et formation spécialisées, UQAM 
– Estelle Carde, professeur en sociologie, Université de Montréal 
– Line Chamberland, titulaire de la Chaire de recherche sur l’homophobie, UQAM 
– Marianne Chbat, chargée de cours en travail social, UQO 
– Isabel Côté, professeure agrégée en travail social, Université du Québec en Outaouais 
– Stéphanie Demers, professeure en sciences de l’éducation, UQO 
– Julie Descheneaux, doctorante en sexologie, UQAM 
– Michel Dorais, professeur titulaire à l’École de travail social et de criminologie, Université Laval 
– Patrick Doucet, professeur de psychologie, Cégep Marie-Victorin 
– Pascale Dufour, professeure titulaire en science politique, Université de Montréal 
– Catherine Flynn, professeure en sciences humaines et sociales, UQAC 
– Baptiste Godrie, professeur associé en sociologie, Université de Montréal 
– Kévin Lavoie, professeur à l’École de travail social et de criminologie, Université Laval 
– Sylvie Lévesque, professeure en sexologie, UQAM 
– Marie-Paule Martel-Reny, chargée de cours en sciences de l’éducation, Université de Montréal 
– Joanne Otis, professeure en sexologie, UQAM 
– Alexis Poirier-Saumure, doctorant en communication, Université Concordia 
– Annie Pullen Sansfaçon, professeure titulaire en travail social, Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enfants transgenres et leurs familles 
– Joëlle Rouleau, professeure adjointe en histoire de l’art et études cinématographiques, Université de Montréal 
– Marilou St-Pierre, stagiaire postdoctorale, Université d’Ottawa Alternative pour elles 
– Michelle De Champlain, CAVAC Abitibi-Témiscamingue 
– Chantal Lalonde, Maison d’hébergement Le Nid 
– Joanie Poliquin, Centre d’aide et de prévention des agressions sexuelles en AbitibiOuest

Source : Le Devoir 

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