Rapport du Commissaire au lobbyisme du Québec : une 4e tentative pour assimiler les OSBL à une loi qui ne les concerne pas

Montréal, le 12 juin 2019 — Le Commissaire au lobbyisme du Québec a déposé hier son énoncé de principes à l’Assemblée nationale, sous le titre Simplicité, clarté, pertinence, efficacité : Réforme de l’encadrement du lobbyisme. À la lecture du rapport, il est désolant et inquiétant de constater que, pour une 4e fois, l’on souhaite assimiler les organismes sans but lucratif (OSBL) à des lobbyistes, alors qu’il a été largement démontré que leurs actions de représentation ne sont pas des activités de lobbyisme (notamment par le groupe Mon OSBL n’est pas un lobby).

La Table demande donc à la ministre de la Justice, Madame Sonia LeBel, et au président de l’Assemblée nationale, Monsieur François Paradis, de rapidement soumettre ce rapport à une commission parlementaire, afin d’y tenir une large consultation à compter de l’automne prochain.

Plus spécifiquement, le Commissaire réitère plusieurs des recommandations de son prédécesseur, pourtant abondamment décriées lors des consultations précédentes.

En effet, en conférence de presse, le Commissaire a mentionné qu’il estimait que la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme était une loi d’accès à l’information. Or, en cette matière, les OSBL qu’il suggère d’assujettir n’ont jamais eu besoin d’une loi pour faire connaître leurs actions auprès de la population, contrairement aux lobbyistes œuvrant au bénéfice d’une compagnie ou de ses actionnaires.

Également, le Commissaire propose d’exclure une partie des organismes communautaires de l’assujettissement à la Loi sur le lobbyisme. La Table considère que le Commissaire se trompe vivement lorsqu’il croit avoir trouvé un compromis et répondu aux objections des OSBL, avec cette proposition. Sa description des organismes exclus – c’est-à-dire ceux « offrant principalement des services de soutien directement au public » et qui « sont assimilables, dans plusieurs cas, à des institutions publiques ou parapubliques » — ne correspond pas du tout à la réalité. De plus, que cela signifie que les regroupements seront assujettis à la Loi, ce qui nuira grandement à l’exercice du droit d’association de leurs membres.

« Les organismes communautaires ne se considèrent pas comme de simples dispensateurs de services et encore moins comme des institutions appartenant à l’État. Ce sont des groupes autonomes d’intérêt public, des agents de transformation sociale qui se caractérisent par un fonctionnement démocratique et un enracinement dans la communauté; et par des approches globales basées sur l’autonomie, la dignité et les expériences des groupes et des personnes », comme l’explique Odile Boisclair, Présidente de la Table.

Également, pour défendre ce point, le Commissaire établi des comparaisons avec les lois sous d’autres juridictions, faisant fait fi du contexte particulier du Québec. En effet, en 2001, notre société qui s’est dotée d’une Politique gouvernementale sur l’action communautaire, laquelle reconnaît qu’il est parfaitement normal que les organisations communautaires fassent des représentations auprès de l’État.

Il est également surprenant que le Commissaire répète une proposition pourtant vertement décrier par le passé, soit d’encadrer « l’appel au public ou à la base militante », soit lorsqu’une organisation invite ses membres et/ou la population à transmettre un message au gouvernement sur une question d’intérêt public (une pétition sur le droit à l’alimentation, par exemple). La seule justification du Commissaire semble être basée sur sa perception que le public ignorerait qui finance les activités. Cela est bien mince pour encadrer des activités déjà connues du public.

Cela est d’autant plus surprenant car, de ce fait, le Commissaire ne semble ne pas faire la distinction entre lobbyisme et plaidoyer : dans le premier cas, il s’agit des pressions sur les États pour défendre des intérêts personnels ou corporatifs; alors que le plaidoyer – ce que font les organisations avec des appels à l’action – consiste à défendre des enjeux d’intérêt public : défense des droits, du bien commun, de la participation démocratie, etc.

« Il est extrêmement désolant de voir qu’une fois de plus, on confond l’action d’industries défendant leurs intérêts lucratifs propres avec les activités d’organisations travaillant à partir des besoins et des volontés des communautés. Promouvoir les clubs de lecture, les cuisines collectives, les groupes d’aide au devoir, les auberges pour jeunes en difficulté, les banques alimentaires, les centres d’accueil pour personnes immigrantes, les centres communautaires pour aînés-es… Rien de tout cela ne s’apparente, de près ou de loin, à du lobbyisme! », affirme Mercédez Roberge, coordonnatrice de la Table.

La Table demande donc à la ministre de la Justice de ne pas s’acharner sur des organisations qui sans but lucratif – pour eux comme pour les personnes qui les fréquentent — et de s’assurer qu’une consultation large soit menée par une commission parlementaire, à compter de l’automne. Après les tentatives de 2008, 2012 et 2015, les innombrables groupes et personnes qui fréquentent, travaillent, militent ou font du bénévolat, dans les 60 000 OSBL du Québec, ne peuvent continuer de subir la pression de cette épée de Damoclès.

 

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Pour plus d’informations

Marie-Sophie Villeneuve, Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles : 514-844-1309 | 438-497-3092 (cellulaire) | info@trpocb.org